Introduction
Peu de personnalités intellectuelles françaises auront marqué leur époque autant que hélène carrère d’encausse, historienne et académicienne d’origine géorgienne et russe. Née en 1929 à Paris et disparue en août 2023, elle a incarné l’élégance de l’esprit, la rigueur de l’historienne et l’autorité de la gardienne de la langue française. Première femme à devenir secrétaire perpétuel de l’Académie française, elle a mené pendant près d’un quart de siècle une mission essentielle : défendre et faire rayonner la culture et la langue françaises. Mais c’est aussi à travers ses travaux sur la Russie et l’URSS qu’elle s’est imposée comme une voix incontournable, capable d’anticiper la chute d’un empire que beaucoup croyaient indestructible.
Dans cet article, nous reviendrons sur sa jeunesse, son parcours universitaire, ses œuvres majeures, ses combats intellectuels, mais aussi les critiques qu’elle a suscitées. Nous verrons comment son héritage continue d’influencer la pensée politique, académique et culturelle, bien au-delà de la France.
Les origines et la jeunesse d’Hélène Carrère d’Encausse
Hélène Carrère d’Encausse est née le 6 juillet 1929 à Paris, dans une famille d’émigrés géorgiens et russes. Son père, Georges Zourabichvili, appartenait à une ancienne noblesse géorgienne qui, comme beaucoup d’autres, avait dû fuir la révolution bolchevique et l’instauration du pouvoir soviétique. Sa mère, également d’origine russe, transmit à sa fille un profond attachement à la culture slave.
Cette double appartenance – française par naissance, mais orientée vers l’Est par ses racines – façonna très tôt sa curiosité intellectuelle. Enfant, elle baignait dans deux mondes : d’un côté, la rigueur des études classiques françaises ; de l’autre, la mémoire douloureuse d’un empire perdu que ses parents évoquaient avec nostalgie. Cette enfance, marquée par l’exil et la mémoire familiale, expliquera plus tard son obsession pour comprendre la Russie, son histoire tourmentée et son destin.
Des études brillantes et une carrière universitaire
Après une scolarité brillante, Hélène Carrère d’Encausse s’oriente vers des études supérieures d’histoire et de sciences politiques. Elle choisit Sciences Po Paris, où elle se distingue par son sérieux et sa capacité d’analyse. Sa thèse portera sur les mouvements sociaux et nationaux en Russie, un sujet encore peu exploré à l’époque, mais qui sera au cœur de ses travaux futurs.
Très vite, elle s’impose comme une experte incontournable des affaires soviétiques. À une époque où la plupart des chercheurs analysent l’URSS uniquement sous l’angle économique ou militaire, elle privilégie une lecture plus fine, attentive aux identités, aux minorités, à la religion et aux fractures internes. Cette approche, originale et visionnaire, fit d’elle une pionnière et une voix écoutée dans le champ académique.
Elle devient professeure à Sciences Po, transmettant sa passion et sa rigueur à des générations d’étudiants, dont certains deviendront à leur tour des figures du monde politique et intellectuel.
L’Empire éclaté : une prédiction historique
En 1978, Hélène Carrère d’Encausse publie L’Empire éclaté, un ouvrage qui restera dans l’histoire pour sa clairvoyance. Elle y défend l’idée que l’Union soviétique ne s’effondrerait pas seulement à cause de sa faiblesse économique, mais surtout à cause des tensions nationales et identitaires qui couvaient en son sein.
À l’époque, beaucoup de spécialistes jugeaient cette thèse improbable. Pourtant, treize ans plus tard, en 1991, l’URSS disparaissait, confirmant de manière spectaculaire l’intuition de l’historienne. Ce succès intellectuel lui valut une notoriété internationale et fit d’elle une référence incontournable pour comprendre les dynamiques russes et post-soviétiques.
Cet ouvrage, traduit dans plusieurs langues, reste encore aujourd’hui étudié comme un modèle d’analyse géopolitique visionnaire.
L’élection à l’Académie française
La reconnaissance suprême vint en 1990, lorsqu’elle fut élue à l’Académie française, devenant ainsi l’une des rares femmes à siéger parmi « les immortels ». Neuf ans plus tard, en 1999, elle accéda à la fonction de secrétaire perpétuel, la première femme de l’histoire à occuper ce poste prestigieux.
Ce rôle allait bien au-delà de la simple gestion administrative : il impliquait de défendre la langue française, de superviser les travaux du dictionnaire et de représenter l’Académie dans les grandes instances culturelles. Hélène Carrère d’Encausse s’y consacre avec passion, insistant sur la nécessité de préserver la richesse de la langue face aux anglicismes et aux effets de la mondialisation.
Son long mandat de 24 ans marqua profondément l’institution, qu’elle sut à la fois moderniser et préserver dans sa tradition.
La défense de la langue française
Au-delà de son rôle politique et académique, Hélène Carrère d’Encausse se voulait la gardienne de la langue française. Pour elle, chaque mot avait un poids, chaque évolution devait être pesée.
Sous son impulsion, plusieurs éditions du Dictionnaire de l’Académie française furent enrichies, même si le processus fut souvent critiqué pour sa lenteur. Elle plaidait pour un équilibre : accepter l’évolution naturelle de la langue tout en veillant à ne pas céder aux modes passagères ni à l’invasion d’expressions étrangères.
Sa position reflétait sa vision plus large : la langue n’était pas seulement un outil de communication, mais un élément fondamental de l’identité culturelle française.
Les critiques et controverses

Comme toute figure publique, Hélène Carrère d’Encausse suscita aussi des critiques. Certains observateurs lui reprochèrent une certaine indulgence envers la Russie contemporaine, notamment vis-à-vis de Vladimir Poutine, estimant qu’elle minimise certains aspects autoritaires du régime.
À l’Académie française, d’autres lui reprochaient un certain conservatisme, notamment dans sa manière de gérer les débats internes ou dans sa résistance face à certaines réformes linguistiques.
Cependant, ces controverses témoignent de son influence : une personnalité qui ne laisse personne indifférent est aussi une personnalité qui compte dans le débat public.
La femme derrière l’académicienne
Au-delà de l’intellectuelle, Hélène Carrère d’Encausse était aussi une femme, épouse et mère. Mariée à Louis Carrère d’Encausse, elle eut trois enfants. Parmi eux, Emmanuel Carrère, aujourd’hui écrivain de renom, héritier à sa manière du talent littéraire et de l’acuité intellectuelle de sa mère.
Ce lien familial illustre bien la transmission : chez les Carrère d’Encausse, l’écriture, la réflexion et l’engagement ne s’arrêtaient pas aux frontières de la vie professionnelle, mais imprégnait la vie quotidienne. Derrière la rigueur de l’académicienne se cachait aussi une femme attentive à ses proches et soucieuse de transmettre des valeurs d’exigence et de culture.
Un héritage intellectuel majeur
À sa disparition en août 2023, la France rendit hommage à l’une de ses grandes voix. Son héritage se mesure à plusieurs niveaux :
- Universitaire : ses analyses sur la Russie restent une référence.
- Culturel : elle a œuvré à préserver la langue française et son rayonnement.
- Symbolique : première femme secrétaire perpétuel, elle a ouvert la voie à une plus grande reconnaissance des femmes dans les institutions académiques.
Elle restera comme une figure majeure de la pensée française contemporaine, une intellectuelle qui a su combiner tradition et modernité, histoire et actualité, rigueur et intuition.
Conclusion
La vie de hélène carrère d’encausse est un exemple de constance, de clairvoyance et d’engagement. Historienne visionnaire, elle a anticipé des bouleversements géopolitiques majeurs. Académicienne respectée, elle a défendu la langue française avec passion. Femme de lettres et de convictions, elle laisse derrière elle une œuvre et un héritage qui continueront d’éclairer les générations futures.
FAQs
1. Qui était Hélène Carrère d’Encausse ?
Une historienne française d’origine géorgienne et russe, spécialiste de l’URSS et de la Russie, élue à l’Académie française et première femme secrétaire perpétuel.
2. Quelles sont ses œuvres principales ?
Parmi ses livres les plus connus : L’Empire éclaté (1978), La Russie inachevée (2000) et Les Romanov (2013).
3. Pourquoi est-elle célèbre ?
Pour avoir anticipé la chute de l’Union soviétique et pour son rôle de gardienne de la langue française à l’Académie.
4. Quand est-elle décédée ?
Le 5 août 2023, à l’âge de 94 ans.
5. Quel est son héritage principal ?
Un héritage intellectuel, culturel et symbolique : compréhension de la Russie, défense de la langue française et rôle pionnier des femmes dans les institutions.